Par Tracy Moison, aidante de proches atteints du TSAF, directrice du programme d’Adopt4Life « Le TSAF et moi : Fortifier ma communauté »
5 septembre 2023
La vie est souvent compliquée, et il n’est pas rare que l’on se sente seul dans les moments difficiles. Pour les personnes atteintes du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF) et leurs familles et proches aidants, la vie, cela veut souvent dire essayer de trouver son chemin au milieu de gros défis, susceptibles d’accroître un sentiment d’isolement et de déconnexion.
Cependant, il est de plus en plus reconnu que les réseaux de soutien par les pairs peuvent raviver l’espoir dans la mesure où la force de l’expérience partagée devient évidente et un environnement est établi où les personnes atteintes du TSAF et leurs familles se sentent comprises et éprouvent un profond sentiment d’appartenance.
J’ai personnellement observé l’effet transformateur de l’échange avec des pairs qui comprennent la complexité du TSAF, à la fois ses défis et ses remarquables atouts, et comment ce rapprochement peut changer des vies en réduisant l’isolement et en développant une communauté solidaire.
Adopt4Life a créé le programme bilingue Le TSAF et moi : Fortifier ma communauté qui salue les enfants et les adolescents atteints du TSAF et leurs familles et leur permet de parler de ce qu’ils vivent pour mieux comprendre leurs atouts et leurs besoins en partageant leur expérience. Nous avons ainsi cherché à réduire leur isolement et à jouer un rôle catalyseur dans le développement de communautés solidaires. Le programme présente les faits actuellement connus sur le TSAF – un handicap caché dont on estime qu’il touche 4 % des Canadiens – et permet de démentir les mythes et les stéréotypes. Ses ressources sont devenues des outils précieux pour la communauté du TSAF ontarienne et sont souvent distribuées à leurs clients par les cliniques de diagnostic, les intervenants provinciaux, les animateurs de groupes de soutien et les intervenants de première ligne.
Les difficultés de la vie quotidienne d’une personne atteinte du TSAF constituent toute une série d’obstacles qui peuvent se révéler accablants et créer un sentiment d’isolement. Qu’il s’agisse de troubles cognitifs ou d’un problème à s’orienter dans des situations socialement abstraites, une personne souffrant du TSAF (ou de toute autre forme de neurodiversité) a souvent du mal à se sentir acceptée dans les « normes » sociales neurotypiques. Les parents et les proches aidants se retrouvent aux prises avec toutes sortes de défis pour aider leur enfant, qui deviennent de plus en plus complexes au fur et à mesure que celui-ci grandit – et souvent, les grands-parents, les proches aidants plus âgés et les frères et sœurs adultes le prennent aussi en charge à l’âge adulte. L’isolement qui en résulte peut avoir de lourdes conséquences sur sa santé mentale, son estime de soi et son bien-être en général.
La force de l’expérience partagée pour les jeunes et les adolescents atteints du TSAF
Avec le soutien du Réseau pour la santé du cerveau des enfants, nous sommes actuellement en train d’élargir la portée du programme Le TSAF et moi : Fortifier ma communauté. Nous avons ainsi lancé un projet pilote qui repose sur tout ce que nous savons sur les bienfaits d’un réseau de soutien par les pairs et explore comment nous pouvons mieux aider les jeunes et les adolescents atteints du TSAF. En effet, ceux-ci doivent affronter les difficultés du TSAF au quotidien alors qu’ils se trouvent à une période particulièrement vulnérable de leur vie (environnement scolaire, situations en société, etc.) et le projet « Le TSAF et moi pour adolescents » vise à leur permettre de cultiver l’empathie et de comprendre comment sortir de l’isolement et aplanir les obstacles à la vie en société. À l’heure actuelle, nous œuvrons en partenariat avec six adolescents et jeunes adultes, tous ayant une expérience vécue du TSAF, pour les aider à devenir des pairs mentors pour d’autres jeunes vivant la même situation.
L’isolement perpétue souvent un cycle négatif qui alimente la solitude. Le rapprochement avec les pairs interrompt ce cycle en permettant de rencontrer une communauté d’individus qui comprennent intuitivement le vécu et les difficultés de la personne à côté d’eux. Avec ce projet, nous avons observé que la possibilité de partager leur expérience devient une occasion pour ces jeunes d’exprimer librement leurs sujets de préoccupation, de faire part de leurs victoires, d’enseigner aux autres des stratégies qu’ils ont trouvé utiles, de développer des compétences polyvalentes et de se sentir encouragés sans faire l’objet d’un jugement. Les premières conclusions du programme montrent que les participants éprouvent un sentiment de camaraderie envers leurs pairs mentors, qu’ils sentent que leurs défis communs sont validés et qu’ils voient comment leur propre expérience peut servir de feuille de route à d’autres adolescents et jeunes atteints du TSAF.
La force de l’expérience partagée pour les familles
Revenons à cet effet transformateur… Un réseau de soutien par les pairs permet également aux parents, aux proches aidants et aux membres de la famille de lier des amitiés durables et des relations fructueuses avec des personnes dont le vécu est parallèle et qui les comprennent ainsi intimement. Comme l’a dit un jour un parent membre d’un de ces groupes de soutien :
« Quand je rentre dans cette pièce, j’ai l’impression d’être chez moi. Je peux recommencer à respirer. »
La capacité de faire confiance et de se rapprocher d’autres personnes qui sont confrontées aux mêmes défis, sont passées par les mêmes étapes, ont mené les mêmes combats – tout cela crée des liens reposant sur une véritable empathie et une compréhension mutuelle. Ce rapprochement avec des pairs va au-delà de la compassion envers une expérience difficile : il peut devenir une bouée de sauvetage qui permet aux individus et à leurs familles de s’arracher à l’abîme de l’isolement. La honte ne survit pas au grand jour – et elle n’a rien à faire là où tous se comprennent si bien.
Un des effets les plus remarquables des liens qui se tissent à travers le partage de l’expérience est le sentiment d’appartenance authentique qui s’ensuit. Pour les personnes qui subissent les effets indésirables du TSAF, trouver des pairs qui comprennent leurs difficultés leur permet de se retrouver dans un environnement où ils se sentent vus, entendus et acceptés. Ce profond sentiment d’appartenance, de se retrouver avec des gens qui « pigent » vraiment, valide fondamentalement leur expérience et leurs émotions et établit une base de confiance qui ouvre la porte à l’acquisition de connaissances et à des stratégies communes et mobilise des ressources pratiques sur le logement, l’emploi, les soins de santé, les études et ainsi de suite.
Je suis persuadée que l’empathie constitue la pierre angulaire de l’expérience partagée. Quand des pairs se retrouvent au sein d’une communauté où ils vivent la même chose, l’empathie se développe naturellement. Qu’ils soient membres de famille ou personne atteinte du TSAF, les pairs mentors qui ont surmonté les obstacles redonnent espoir aux mentorés, qui découvrent qu’ils ne sont pas seuls. Ils comprennent profondément leur vécu mutuel, établissent une base sur laquelle des liens se tissent et continuent de découvrir leur force intérieure. Il en résulte une autonomisation qui renforce la capacité des familles à offrir un soutien continu. Au cours d’une séance d’atelier récente avec nos mentors adolescents et jeunes adultes, une jeune fille atteinte du TSAF a fait part de ses réflexions sur ce qui lui a été le plus utile dans son parcours jusqu’ici et a dit ceci :
« Ma mère a toujours eu confiance en moi, et maintenant, moi aussi j’ai confiance en moi. »
Le projet Le TSAF et moi : Fortifier ma communauté m’a permis de comprendre comment, lorsqu’on puise dans le soutien par les pairs, qu’on établit une communauté et qu’on réduit l’isolement, une étincelle peut se produire qui change vraiment la vie. Notre équipe de projet parlera davantage de ce que nous sommes en train de découvrir au cours de la prochaine conférence du RSCE en octobre et de la conférence de CanFASD en novembre.
Nous savons avec certitude que le fait d’établir et de maintenir des réseaux et des groupes de soutien par les pairs renforce les atouts inhérents de la communauté du TSAF. Notre expérience partagée éclaire un chemin qui mène vers un avenir plus prometteur et plus inclusif – où les individus et les familles pourront parler de leurs craintes, trouver la force et le soutien dont ils ont besoin sans être jugés et savoir qu’ils ne sont jamais seuls dans leur parcours.