Maude et les collègues rencontrées au cours du de ressources sur l’alcoolisation fœtale (de gauche à droite) : Nancy Lockwood, Tanya Eichler, Maude Champagne, Janet Carioni (photo avec la permission de Maude Champagne)
Affronter la tempête : Agression envers les parents et la famille au cours de l’enfance et l’adolescence (APFEA)
Maude Champagne, le RSCE et Adopt4Life fondent un nouveau programme sur l’APFEA pour les familles
Dans son enfance, Maude Champagne était très curieuse et adorait apprendre, mais elle n’aimait pas rester assise pendant des heures à l’école. Aujourd’hui, elle poursuit un doctorat en sciences neurologiques à l’Université Queen’s et se spécialise en trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF). Elle étudie sous la direction du Prof. James Reynolds, conseiller scientifique en chef du Réseau pour la santé du cerveau des enfants. En tant que clinicienne, scientifique, conceptrice de programmes, mère de famille, porte-parole et conférencière, Maude a de bonnes raisons d’être partout à la fois. Cependant, elle affirme savoir aussi prendre le temps de repos dont elle a besoin.
Maude et son conjoint ont une famille de cinq enfants biologiques et adoptés. Certains de ces enfants sont atteints de déficiences développementales, et chacun a des antécédents, des besoins et des atouts qui lui sont propres. Travailleuse sociale et psychothérapeute agréée, Maude raconte qu’elle a grandi dans une fratrie dont un membre était atteint d’un grave handicap et est décédé à un jeune âge. Depuis, elle a toujours éprouvé un profond désir d’aider les gens.
Maude a commencé à travailler avec le Réseau pour la santé du cerveau des enfants il y a déjà plusieurs années et y a introduit le Programme de ressources sur l’alcoolisation fœtale (PRAF) avec James Reynolds, Nancy Lockwood, Tanya Eichler et Janet Carioni. Les quatre femmes sont devenues des amies et des collaboratrices fidèles.
Le défi
Après le PRAF, Maude a poursuivi ses recherches et ses études dans le cadre du programme de stages de recherche du RSCE et de Mitacs, et a travaillé avec ABLE2 pour évaluer les innovations de la programmation virtuelle pendant la pandémie de COVID-19.
En interrogeant les participants, Maude a remarqué qu’un grand nombre de parents et de membres des familles avaient des problèmes de santé mentale. De même, un grand nombre d’enfants et d’adolescents se comportaient souvent de manière agressive envers leur famille. En tant que psychothérapeute et, dans le cadre du rôle qu’elle tenait à l’époque au sein du comité consultatif sur la santé mentale d’Adopt4Life, elle recevait également des appels de parents sur l’agressivité croissante de leurs enfants.
Ayant constaté que les besoins des familles n’étaient pas satisfaits et que la recherche au Canada présentait des lacunes dans ce domaine, elle a lancé trois innovations qui sont le résultat de son stage avec le RSCE et Mitacs :
- Un programme pilote de résistance non violente
- Le premier Consortium national sur l’agression envers les parents et la famille au cours de l’enfance et l’adolescence (APFEA)
- Le Programme sur l’APFEA pour les familles
Les solutions
Maude a mis le Prof. James Reynolds en rapport avec Julie Despaties, fondatrice et directrice générale de Adopt4Life, pour une collaboration sur le défi reconnu que présente l’agression envers les parents et la famille au cours de l’enfance et l’adolescence (APFEA).
Le RSCE et Adopt4Life ont financé et organisé le premier Consortium national sur l’APFEA, dont fait partie un projet de recherche pour les familles au Canada, mettant ainsi à profit le programme de stages du RSCE et de Mitacs. Pour Maude, il était particulièrement important de savoir tenir compte des besoins des familles tout au cours du déroulement des opérations.
« D’après mon expérience de membre d’une famille ayant eu affaire à des scientifiques et à des chercheurs, ce sont eux qui “commandent” et il faut les écouter », explique-t-elle, « mais James a toujours dit qu’il s’agit avant tout des besoins et des désirs de la famille et de l’entourage. C’est ce qui m’a vraiment donné envie de continuer à travailler avec lui et le RSCE. J’ai le sentiment que nous partageons les mêmes valeurs d’écoute et d’autonomisation des familles. Le RSCE déploie des efforts considérables pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité dans ce travail, et nous apprenons tous au fur et à mesure. »
La recherche a permis d’identifier les différentes difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes se comportant de manière agressive : dégradation de leur santé mentale, obstacles à leur sentiment d’appartenance à l’école et dans la collectivité, tensions dans les relations familiales et, dans certains cas, obligation de vivre séparément de leur famille, ce qui les rend inutilement vulnérables ou les force à réintégrer le système de protection de l’enfance. Les enfants placés en famille d’accueil et ne recevant pas de soutien adéquat se retrouvaient en situation plus instable du fait d’interruptions dans les placements. Les parents et les membres des familles biologiques aussi bien qu’adoptives souffraient de problèmes de santé mentale, voyaient leurs relations se détériorer et subissaient parfois une perte de revenus d’emploi du fait d’avoir à se mettre en congé de maladie ou à endosser davantage de responsabilités à la maison.
Maude explique également que les enfants se comportant violemment sont souvent classés dans la catégorie de « délinquants violents » et se voient ainsi priver de leur droit à l’éducation, ou sont criminalisés au cours de l’adolescence. Le site Web du Consortium national sur l’APFEA suggère une autre manière de décrire la gamme des comportements humains : comme le vent, il s’agit d’un phénomène naturel pouvant aller d’une douce brise à une tornade, auquel on réagit différemment en fonction de son intensité. Grâce au travail de Maude et de ses collègues, les familles se retrouveront de moins en moins seules pour affronter la tempête.
Tracy Moisan, directrice des programmes du Consortium national de l’APFEA, est également la mère adoptive de trois adolescents, dont deux souffrent de troubles du développement neurologique. « Grâce au travail de Maude et d’autres chercheurs et chercheuses qui se penchent sur l’APFEA d’un point de vue canadien, nous en apprenons tellement plus sur les raisons pour lesquelles celle-ci se produit et, ce qui est plus important encore, sur des stratégies qui apportent vraiment de l’espoir et des réponses aux jeunes et à leurs parents et familles. »
Le Programme sur l’APFEA pour les familles, projet à venir d’Adopt4Life, suit une démarche axée sur les points forts et s’efforce de comprendre les besoins communiqués par l’enfant à travers son comportement, plutôt que de lui en faire le reproche. Selon Maude, le fait que le Programme sur l’APFEA pour les familles s’attache aux points forts ne veut pas dire que l’on nie l’existence des difficultés ou que l’on est défini par elles. Il s’agit plutôt de trouver un équilibre entre les ressources et les besoins des enfants, des proches aidants, des familles et de la société.
Au Canada, il n’existe pas d’intervention unique pour résoudre complètement le problème de l’agressivité à la maison chez les enfants et les jeunes. Avec l’équipe du Programme sur l’APFEA pour les familles d’Adopt4Life, Maude est en train d’explorer la résistance non violente, une intervention employée en Europe qui est le sujet de sa thèse de doctorat. En s’appuyant sur des données probantes de la théorie de l’attachement, de la théorie des systèmes familiaux et de la neurobiologie interpersonnelle, la résistance non violente se penche sur les échanges dysfonctionnels entre les jeunes et les personnes qui s’en occupent. Elle est censée permettre aux enfants et aux parents de mieux s’autoréguler, ce qui diminue l’agressivité à la maison et permet plus de stabilité dans les placements.
« Je pense que l’objectif principal du RSCE et d’Adopt4Life est d’améliorer la qualité de vie des familles qui ont des enfants au cerveau complexe et aux antécédents compliqués, dit Maude. « Parfois, une intervention précoce a été manquée et nous devons fournir un plus grand effort, mais il est quand même possible de parvenir à une meilleure qualité de vie pour ces familles. Et c’est cela qui peut vraiment changer les choses pour ces enfants et ces jeunes. »
Sur la photo, Maude et ses collègues dans leurs nouveaux rôles au programme sur l’APFEA d’Adopt4Life (de gauche à droite) : Nancy Lockwood, Tanya Eichler, et Maude Champagne (photo avec la permission de Tracy Moisan)